Le rapport dont vous êtes l’objet

Un spectacle des Comédiens de la Tour
1980

Rire et réfléchir

Distribution

Avec (par ordre hiérarchique de fonction) :

  • Joseph Gross, Directeur : Pierre Corveaule
  • Balas, Sous-directeur : Jean-Pierre Ecobichon
  • Kubch, Attaché : Jean-Paul Naudin
  • Massat, Chef de centre : Alain Guillon
  • Kuntz, Pydétypediste : Alain Vilette
  • J.V. Perina, Professeur : Bernard Zeutzius
  • Hélène, Présidente : Béatrice Lateur
  • Hana, Secrétaire de Direction : Nadia Valdenaire
  • Marie, Secrétaire : Corinne Ramuzat
  • Kalous, Fonctionnaire : Alain Guillon
  • L’élève Fonctionnaire : Yvette Ernault
  • Jojo, Inspecteur : Jean-Luc Zeutzius

Et la participation éventuelle de Pascal Lévêque

Mise en scène : Philippe Prévost

Régie : Marie-Josephe Rangdet

Décors : Pierre Blanchet et Claude Ecobichon

Maquillages : Marie-Reine Zeutzius

L'histoire

« Ra ko hutu dé dëtotù ély trëbomu, ému skoé vdégär yd, stro rénu erq gryk, kendy alyr svydé dézu kvyndval fer tékynu sély. Degto yt ké entverstver kyleg sély ; Degto kyleg gh… Orka, épyl laipoyl y bodur dépydétypede émété. Goïto afxcdob yd kyzem ».
Imaginez que vous arriviez un matin à votre travail et trouviez ce texte sur votre bureau. Naturellement, vous vous interrogez :
– « Quelle dactylo distraite a pu commettre tant de fautes d’orthographe ? »
Inquiet, vous prenez alors votre secrétaire à parti :
– Vous ne savez pas ce que c’est, ma petite Hana ?
– C’est un rapport, Monsieur le Directeur !
– On dirait un salmigondis de lettres réunies au petit bonheur.
– Non, non, tout est structuré d’une manière méthodique. C’est un rapport écrit en PYDETYPEDE (*) qui vous concerne.
Ignorant tout de ce nouveau langage qu’on instaure dans votre administration et piqué au vif, vous avez bien sûr le réflexe de courir après le collaborateur qui pourra vous traduire ce Rapport. Celui-ci vous rétorque :
– Nous traduisons sur le champ tout texte qui nous est apporté par un fonctionnaire sur présentation d’une autorisation spéciale.
Excédé, vous foncez chez le fonctionnaire habilité à délivrer les « autorisations spéciales », mais celui-ci vous réplique :
– Je ne délivre les autorisations qu’aux fonctionnaires munis d’un extrait de leur dossier spécial avec un visa favorable.
A bout de nerfs, vous interpelez la camarade chargée de délivrer l’extrait en question, laquelle se déclare incompétente tant que vous ne pourrez lui fournir la traduction du rapport dont vous êtes l’objet.
Clac ! Le piège est refermé, le cercle vicieux a accompli sa révolution…
Voilà le problème auquel est confronté Joseph Gross, Citoyen Directeur d’une administration, 50 ans, marié, deux enfants…
(*) Pydétypède : langage synthétique institué pour donner plus de clarté aux textes administratifs.

La pièce

Le « Rapport » n’est pas une comédie comme les autres. Son but n’est pas essentiellement de faire rire même si ses dialogues sont clairsemés de répliques croustillantes, démentielles, incongrues et caustiques.
Le « Rapport », c’est également une œuvre de réflexion dont le thème est l’absurdité d’un certain mécanisme bureaucratique dans lequel chacun peut se prendre les pieds y compris les fonctionnaires de rang élevé.
Pourtant, le style de mise en scène adopté par Philippe Prévost, a volontairement privilégié le caractère humoristique de cette pièce.
En effet, en écrivant cette comédie, la démarche d’Havel se plaçait dans un contexte politique caractéristique du type de société dans lequel il évoluait. Il ne fait aucun doute que vous ne vous sentirez pas concernés par la situation qui vous sera exposée.
Présentée d’une manière académique, cette pièce aurait pu en conséquence paraître déplacée. Aussi, nous a-t-il paru préférable d’en composer une énorme caricature parfois burlesque dans le but de vous faire passer un agréable moment.
Mais il n’est pas interdit, au second degré, de s’identifier quelques instants à Joseph Gross, victime comme l’était Le Brave Soldat Sveik… de l’imbécilité humaine.

Vaclav Havel a eu la malchance de naître à Prague en 1936, au sein d’une famille bourgeoise. Très tôt, il affiche des dons littéraires et écrit quelques saynètes satiriques qu’il tente de faire jouer par des camarades durant ses années de service militaire. Mais l’humour ironique qu’il développe dans ses textes le rend suspect aux yeux des autorités militaires.
Au retour à la vie civile, il s’intègre à une jeune troupe de théâtre, La Balustrade, au sein de laquelle il occupe un emploi de conseiller littéraire.
Dans ce milieu intellectuel, il va pouvoir s’épanouir et crée en 1963 sa première comédie : Garden Party. Cette première œuvre rencontre à Prague un franc succès. Havel s’amuse à démonter les rouages de la bureaucratie politique et à prouver tout ce que le système renferme de démentiel, d’hypocrite et de contradictoire. Le texte est bien sûr en partie censuré.
Dès 1965, Havel lance sa nouvelle bombe « Le rapport dont vous êtes l’objet », construit sur un mécanisme identique à sa précédente œuvre.
Là encore, la partie est gagnée et la comédie, d’abord présentée à Prague, est exportée dans tout le pays, mais encore en Pologne et dans les pays de l’Europe de l’ouest. Le Rapport sera traduit en français par Milan Kepel et présenté à Paris en 1971.
Dès lors, il ne fait plus aucun doute que Vaclav Havel est plus qu’un auteur de talent et, après la création de sa troisième pièce « Plus moyen de se concentrer », il est admis en qualité de membre éminent au sein de l’Union des Ecrivains Tchécoslovaques.
Nous sommes au « Printemps » de l’année 1968 et la censure a disparu en Tchécoslovaquie.
Mais en Août de ma même année, l’Armée Rouge vient en tournée à Prague et, cette fois, il ne s’agit pas des célèbres chœurs que l’on peut voir tous les ans au palais des Sports, mais de vrais militaires, armés, casqués et bottés… Havel est radié de l’Union des Ecrivains, ses œuvres sont censurées puis interdites.
En 1969, Vaclav Havel n’est plus qu’un ouvrier peintre en bâtiment, officiellement, il n’écrit plus.
Le 22 octobre 1979, Vaclav Havel est condamné à la prison pour avoir signé la « Charte 77 », simple manifeste en faveur des libertés tchécoslovaques.
Lorsque la pièce est présentée à Triel, Havel a purgé une année de sa peine, mais il lui reste 3 ans et demi à tirer. En jouant sa pièce, Les Comédiens de la Tour lui rendent hommage.
En 1989, Havel est une des figures de proue de la révolution de Velours, qui met un terme au régime communiste. Il est ensuite président de la République fédérale tchèque et slovaque de 1989 à 1992, puis président de la République tchèque de 1993 à 2003.
Politicien atypique, généralement estimé comme une « personnalité extraordinaire » dans son pays, il est souvent appelé le « président-philosophe » et sa vie a été qualifiée d’« œuvre d’art » par l’écrivain Milan Kundera.
Vaclav Havel est décédé le 18 décembre 2011 à Hrádeček.

La galerie photos
Les vidéos